Peut-on vraiment se fier à sa première impression ? Dans un monde où l’information nous submerge et où les intuitions peuvent nous tromper, la pensée critique s’impose comme une compétence essentielle. Elle permet de prendre du recul, de remettre en question les évidences, et de mieux comprendre les situations avant de se forger une opinion.
Dans ce sixième épisode de la saison 2 de notre podcast “Au cœur des soft-skills” nous recevons Chantal Engel, détective privée et fondatrice de La Clé Conseil & Investigations.
Nous explorons ensemble les mécanismes de la pensée critique dans les enquêtes... et dans notre quotidien. Son métier, c’est poser les bonnes questions, identifier les biais, et ne jamais s’arrêter à une première impression.
La pensée critique, un allié du quotidien
Chantal Engel, avec son expérience unique d’enquêtrice, nous explique que la pensée critique est avant tout une démarche méthodique. « C’est une façon de douter raisonnablement, d’analyser les faits pour construire un jugement éclairé, basé sur des preuves plutôt que des intuitions ».
Contrairement à l’intuition, qui repose sur des perceptions instantanées, la pensée critique exige un processus d’analyse en plusieurs étapes, afin de dépasser les biais naturels et d’arriver à une compréhension plus nuancée.
Une compétence à multiples facettes
La pensée critique repose sur des compétences complémentaires qui, ensemble, permettent de prendre du recul et d’appréhender les situations complexes avec objectivité :
1. L’observation : Capacité à percevoir des détails que d’autres pourraient négliger, l’observation permet de capter des indices souvent cruciaux. Être observateur, c’est non seulement voir, mais aussi savoir interpréter les signaux subtils pour en tirer des éléments de réflexion.
2. L’analyse logique : Structurer les informations pour établir des liens et des conclusions cohérentes. En organisant les données et en vérifiant leur consistance, cette compétence évite les interprétations hâtives et assure une compréhension objective des faits.
3. La remise en question : Essentielle pour échapper aux biais et préjugés, la remise en question pousse à réévaluer ce qui paraît évident. Ce doute sain permet de prendre du recul face aux impressions initiales et de considérer des alternatives avant de trancher.
En soulignant ces compétences, Chantal rappelle que la pensée critique se construit avec patience et méthode. « Ce sont ces qualités combinées qui permettent de voir au-delà des apparences et d'éviter les pièges de l’intuition trompeuse », affirme-t-elle, illustrant l'importance de ne jamais se fier uniquement aux premières impressions ou aux raccourcis mentaux.
L’intuition, amie ou ennemie ?
La pensée critique n’exclut pas l’intuition, mais elle impose de la maîtriser et de la vérifier.
« L’intuition est souvent perçue comme un don, mais elle peut nous induire en erreur si on la suit aveuglément », souligne Chantal. Dans son métier de détective, elle explique avoir souvent ressenti cette tentation de se fier à un pressentiment ou à une première impression.
Cependant, elle ajoute : « Mon intuition peut être un point de départ, mais elle n’est qu’une hypothèse à valider par des faits concrets et une analyse structurée. » Cette approche rigoureuse lui permet d’éviter les fausses pistes et de ne pas se laisser piéger par des raisonnements biaisés.
Trois conseils pour développer sa pensée critique
1. Cultiver le doute raisonnable
La pensée critique commence par le doute raisonnable, une posture qui permet de remettre en question ce qui semble évident. Chantal souligne que dans son métier de détective, elle est confrontée à des clients qui partagent leur version des faits, mais cela ne signifie pas que tout ce qu’ils disent est exact. « Quand quelqu’un me raconte son histoire, la première chose que je fais est de me demander : ‘Quels sont ses intérêts, ses intentions ?’ » Elle recommande d’adopter ce même esprit d’interrogation pour s'assurer qu’on ne prend rien pour acquis sans preuve. Habituez-vous donc à poser des questions : Pourquoi cela se passe-t-il ainsi ? Quels éléments pourraient contredire cette idée ? Quels sont les faits réels ? Le questionnement est la base d’une pensée critique affûtée.
2. Questionner les intuitions avec des faits
Si l’intuition peut être une alliée, elle doit toujours être accompagnée d’une vérification par les faits. « Mon intuition me donne une première piste, mais je ne peux pas m’y fier sans preuve », explique Chantal. Dans le cadre d’une enquête de surveillance, elle peut ressentir une impression sur un comportement, mais elle doit résister à la tentation de tirer des conclusions hâtives et vérifier ses observations de manière concrète. « Une intuition, dans mon métier, est un signal, pas une vérité établie, » précise-t-elle. Elle conseille aux professionnels de se rappeler que toute intuition est une hypothèse, à confronter à une analyse et des preuves solides.
3. Maîtrisez les biais cognitifs
Chantal évoque plusieurs biais qui peuvent influencer nos jugements, tels que le biais de confirmation, où l’on a tendance à privilégier les informations qui confirment ce que l’on pense déjà. Dans ses enquêtes, ce biais peut la pousser à accorder une importance excessive à un détail en fonction de ses premières impressions. Elle rappelle un exemple d’enquête sur un cas d’adultère : « Il serait facile de partir du principe que ‘tous les hommes trompent’, mais ce type de présupposition peut nous mener à une conclusion erronée. » Elle recommande de rester conscient de ces biais et d’appliquer une méthodologie rigoureuse pour les éviter. S’entourer de personnes de confiance, discuter et revenir constamment sur les informations initiales aident à rester objectif.
Ces conseils de Chantal Engel fournissent des bases solides pour intégrer la pensée critique dans notre vie professionnelle, en nous aidant à éviter les écueils des jugements rapides et des premières impressions.
En adoptant le doute raisonnable, en reconnaissant nos biais cognitifs, et en validant nos intuitions par des faits, nous développons une approche plus méthodique et réfléchie face aux informations. Dans des environnements où les décisions reposent souvent sur des données partielles, ces pratiques deviennent essentielles pour naviguer avec discernement et objectivité, permettant ainsi de prendre des décisions plus justes et éclairées.